Gestion de l’apprentissage, 1re partie : cols bleus, cols blancs, et postsecondaires
Mark Murrell
Le 8 janvier 2025
Au moment de rédiger cet article, nous sommes maintenant en 2025, ce qui signifie que cela fait officiellement 25 ans que je conçois et bâtis des systèmes de gestion de l’apprentissage. Oui, je prends de l’âge. Beaucoup de choses ont changé depuis le temps, et l’état actuel de la technologie et de la vitesse d’Internet nous permet d’accomplir des tâches que nous ne pouvions même pas imaginer à l’époque, mais il faut avouer qu’une grande partie des éléments de base sont restés les mêmes.
Dans cet espace, nous discutons souvent de sécurité et des pratiques exemplaires en matière de formation, mais j’ai pensé qu’il serait utile de dévouer quelques articles à la gestion de l’apprentissage. C’est souvent caché en coulisses, comme une aide ou un adversaire invisible, mais il s’agit d’un élément essentiel de la réussite d’un programme de formation.
Lorsque j’ai commencé à concevoir des systèmes de gestion d’apprentissage (SGA), Internet en était à ses débuts, et était déjà en mesure de permettre à un grand nombre de personnes d’obtenir de la formation en ligne dans un court délai. Il est devenu évident qu’on aurait besoin d’un système pour faire le suivi de toute cette formation. Le SGA a permis de faire cela, mais il a rapidement évolué en un outil capable de bien plus que le simple suivi des activités. En un clin d’œil, il s’est adapté aux environnements pour lequel on l’employait, et ces différences sont désormais très distinctes.
Dans le secteur du camionnage, nous avons désormais atteint un point où la formation en ligne est un outil standard. Alors que nous terminons l’évaluation de la 17e édition du programme Les flottes les plus en vue (Best Fleets to Drive For), nous avons remarqué (pour la toute première fois) que la formation en ligne est maintenant la méthode d’enseignement par défaut.
De nos jours, les flottes sont de plus en plus sérieuses au sujet de leurs activités de formation en ligne, ainsi le SGA prend aussi une plus grande importance. Bien comprendre les éléments d’un SGA, et quels types fonctionneront bien ou pas auprès d’une certaine flotte, peut faire toute la différence entre le succès et l’échec des efforts de formation en ligne.
Dans cette série d’articles, je vais me pencher sur :
- Les principes de base de la gestion de l’apprentissage
- Pourquoi les systèmes destinés aux cols blancs, aux cols bleus et aux étudiants postsecondaires sont si différents
- Pourquoi le secteur du camionnage a besoin de fonctionnalités bien précises dans un SGA
Principes de base
Fondamentalement, un SGA comprend trois principales composantes : les utilisateurs, les cours et l’activité de ces utilisateurs par rapport à ces cours. Il s’agit d’abord d’un système de correspondance, liant les utilisateurs à des cours, et conservant un registre de ce qu’ils accomplissent ensemble.
Certains systèmes sont très simples, faisant seulement le suivi de l’achèvement d’un cours par un utilisateur à une date précise. Certains sont très détaillés, enregistrant tous les éléments de la formation qu’un utilisateur consulte ou auxquels il prend part, le temps passé sur chaque élément, chaque réponse qu’il soumet, et la géolocalisation de ses activités.
Mais, à la base, on fait correspondre les utilisateurs à des cours, et on fait le suivi des activités.
À l’époque, cela était suffisant. Lorsque les systèmes comportaient peu de cours et un nombre fixe d’utilisateurs, il n’y avait pas grand-chose à faire. Mais, dès que les bibliothèques de cours ont pris de l’ampleur, l’interaction entre les utilisateurs et la formation a explosé, et les systèmes ont évolué en des machines plus puissantes, et aussi avec beaucoup plus de fonctions spécifiques.
Au lieu de simplement suivre qui fait quoi et quand, ces machines ont tourné leur attention vers qui devrait ou pourrait suivre tel ou tel cours, à quel moment, et si la formation a été achevée ou non.
L’un des premiers systèmes à enregistrer un succès commercial, Saba, qui fait maintenant partie de Cornerstone, faisait le suivi de tous les postes dans une entreprise et des exigences en matière de formation pour chacun. Ainsi, il était facile de voir quelle formation était nécessaire lorsque les personnes changeaient de poste. Les employés pouvaient aussi savoir quelles formations étaient exigées pour les postes qu’ils convoitaient, et pouvaient commencer à les suivre à l’avance.
Ce n’est qu’un exemple, mais cela aide à souligner les différences entre les systèmes dédiés à différents publics.
Cols blancs, cols bleus, et postsecondaires
Saba était un parfait exemple d’un SGA « col blanc », un système destiné aux employés de bureau et à leurs propres besoins en matière d’éducation. La plupart des SGA commerciaux sont conçus pour les cols blancs, mais d’autres publics ont également des besoins distincts.
Lorsqu’on compare ces auditoires, et les systèmes qui leur sont voués, il est facile de constater pourquoi certains ne fonctionnent absolument pas pour le camionnage.
Cols blancs
Dans le monde des cols blancs, la formation est surtout autodirigée ou menée par l’apprenant. Les travailleurs songent à leur carrière, à ce qu’ils doivent faire pour avancer, et à la manière d’aiguiser leurs compétences pour gravir les échelons de l’entreprise. Les systèmes au service de ce public possèdent des caractéristiques distinctes :
- Ils présument que les utilisateurs prendront le temps d’apprendre à se servir de l’interface, et de trouver ce qu’ils recherchent. D’ailleurs, les interfaces contiennent davantage de texte explicatif, et ces systèmes proposent des outils pour prendre des notes, créer des lexiques, des index, et d’autres éléments utiles pour quelqu’un qui s’en sert régulièrement.
- Tout le contenu, ou presque, est offert aux utilisateurs aux fins de consultations ou d’activités. Les outils de recherche permettent aux gens d’explorer différents cours, et d’en faire l’essai à leur gré.
- Pour les activités qui ne sont pas offertes d’emblée, il existe des outils pour faire une demande de participation. Les utilisateurs peuvent s’inscrire à un cours physique, et lancer une demande d’approbation à l’intention de leurs supérieurs.
- Le contenu est dispensé avec la présomption que les utilisateurs sont technophiles, que les ordinateurs sont récents, que les connexions sont à haute vitesse, et que l’accès se fait à partir d’un nombre limité d’endroits.
- Les rapports sont axés sur qui a achevé quoi, et ont tendance à être un peu plus de base.
Cols bleus
Le monde des cols bleus, en revanche, est complètement à l’opposé. La formation est souvent plus réglementée et s’appuie sur la conformité, plutôt que de se fonder sur des aspirations professionnelles, alors l’accent est mis sur l’achèvement des cours, le plus fluidement possible. Les systèmes qui sont conçus pour ce public possèdent leurs propres caractéristiques :
- L’interface est beaucoup plus simple et directe, indiquant seulement ce dont les utilisateurs ont besoin pour terminer leurs tâches.
- Puisqu’ils accomplissent ce qu’ils doivent faire, et pas nécessairement ce qui les intéresse, ils pourraient tenter de trouver des raccourcis ou des moyens de déjouer le système. Des protections et des limites pourraient être requises afin de veiller à ce que tout soit bel et bien fait.
- Il pourrait y avoir des exigences en matière de renouvellement, d’autres contraintes de temps, alors les gestionnaires ont besoin de plus d’outils pour connaître certaines dates butoirs, qui vient à échéance, s’ils souhaitent renouveler, et une panoplie d’autres détails connexes.
- Des tiers pourraient effectuer des audits de temps en temps, ou passer en revue les activités, il faut donc des fonctionnalités pour gérer et prouver la conformité.
- Le moyen dont le contenu est dispensé ne peut pas présumer que les utilisateurs sont friands de technologie, que la qualité des ordinateurs et de la connexion est optimale, ou même l’endroit où se fait la connexion.
Postsecondaires
Le monde du postsecondaire possède ses propres caractéristiques, qui peuvent chevaucher celles mentionnées plus haut ou être complètement différentes. Bien que l’on puisse présumer que les étudiants veulent participer à leur apprentissage pour améliorer leurs choix de carrière (comme dans le modèle des cols blancs), il existe aussi des exigences très strictes en matière de cours suivis afin d’obtenir leur diplôme (semblable au modèle des cols bleus). Les systèmes dédiés au service de ce public s’appuient sur les hypothèses de base de l’enseignement postsecondaire et possèdent aussi leurs propres caractéristiques :
- L’éducation est dirigée par un instructeur, plutôt que par autogestion, et les devoirs sont distribués et notés par des professeurs, et se déroulent sur une période déterminée.
- En se fondant sur l’ancien modèle de correspondance de cours, le contenu est très textuel, pourvu de peu d’éléments interactifs.
- Les activités d’évaluation principales (comme les examens) sont surveillées en personne ou à distance pour empêcher la tricherie.
- Les instructeurs attribuent des travaux et notent ces derniers, mais se soucient peu si les participants soumettent, terminent ou réussissent leurs devoirs.
- Les participants ne voient que le contenu pour lequel ils sont inscrits, et pourraient être en mesure de chercher d’autres options, mais ils n’y auront pas accès sans y être inscrits.
- Les rapports sont plus axés sur les inscriptions (pour équilibrer la charge de travail) et l’achèvement des cours. Une preuve de présence ou d’achèvement de la part des étudiants pourrait être exigée à l’occasion, mais ce n’est pas un élément majeur.
- Pour dispenser le contenu, on pourrait exiger des seuils minimaux d’ordinateurs et de réseau.
Comparaison des modèles
En comparant les trois modèles, on s’aperçoit que les principales différences tournent autour de qui se soucie le plus de ce qui se passe, et de quoi ils se soucient.
Dans les modèles pour les cols blancs et les étudiants postsecondaires, l’apprenant se soucie davantage des activités et il souhaite tirer le maximum de cette opportunité.
D’un autre côté, dans le modèle des cols bleus, les gestionnaires et les vérificateurs externes se soucient davantage de la formation, et ils doivent veiller à ce que les apprenants terminent les bons cours, dans un délai donné.
Si l’on se fie à ces observations, on constate facilement que les modèles de cols blancs et postsecondaires ne fonctionnent pas vraiment pour le secteur du camionnage. Certes, il existe actuellement des flottes qui se servent de systèmes conçus pour ces auditoires, mais, en vérité, c’est une cheville carrée dans un trou rond, et ces entreprises réussissent rarement.
Toutefois, quoique le camionnage ait besoin de systèmes de gestion de l’apprentissage conçus pour les cols bleus, cela ne suffit pas. L’industrie du transport routier comporte de nombreuses particularités, et a donc besoin d’un système conçu spécialement pour le domaine.
Dans la 2e partie, nous allons nous pencher sur ces attributs, et découvrir ce qu’un SGA pour le camionnage doit vraiment accomplir.